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L’esprit de recherche de Ferdinand Berthoud se manifeste nettement dans le choix de l’organe régulateur.
On connaît les essais de Christiaan Huygens (1629-1695) avec les horloges à pendule qui n’ont pas donné satisfaction lorsqu’elles furent installées sur un navire. Le résultat le plus précieux de ces tentatives infructueuses fut l’invention du balancier-spiral qui, par la suite, allait permettre de résoudre le problème des longitudes. Berthoud commença d’emblée avec le balancier-spiral ; quelles sont, se demande-t-il, les conditions que doit remplir un bon régulateur ? Il énonce les propositions suivantes

  1. Si les résistances et la force motrice étaient constantes, les oscillations auraient toujours la même durée.
  2. Pour juger de l’avantage d’un régulateur sur un autre, il faut comparer la force ou quantité de mouvement (en réalité, il pense à la force vive), puis les frottements et résistances.
  3. La force d’entretien doit être proportionnelle aux résistances.

Comme il s’agit d’horloges destinées à la mer, le balancier à vibrations lentes est plus influencé par les secousses mais conserve mieux son mouvement, ainsi que les expériences du constructeur le lui ont montré ; ce balancier lent exige donc une plus faible force d’entretien ; il faut le préférer.

Le poids et la grandeur du balancier seront choisis de façon à égaliser, autant que possible, les amplitudes du balancier au plat et au pendu et pour y arriver Berthoud préconise la réduction des frottements en utilisant un balancier grand (et de faible poids) suspendu à un ressort à vibrations lentes, et des rouleaux au lieu de coussinets. La suspension, en diminuant le frottement horizontal, permet l’emploi d’un balancier plus lourd.
Pour se rendre compte de l’importance des résistances, Berthoud mesure la durée du mouvement du balancier libre, depuis une certaine élongation jusqu’à l’arrêt.
Ses expériences l’ont conduit à admettre que « dans un balancier libre, les grands arcs sont plus prompts que les petits ».

Le spiral

Au sujet du spiral, les idées de Ferdinand Berthoud sont sans doute plus claires que sa manière de les exprimer. On trouve, par exemple, cette phrase : « C’est en vertu de l’élasticité qu’un ressort écarté de son repos tend à y revenir, mais c’est en vertu de sa pesanteur qu’il fait autant de chemin de l’autre côté et qu’il produit des vibrations. »
L’importance du rôle du spiral n’a pas échappé à Berthoud ; il connaît la très grande influence de la température sur l’élasticité du spiral, influence beaucoup plus considérable sur la période de l’organe, réglant que celle qui résulte des modifications dues à la température, des dimensions du spiral et du balancier.
Ce qui intéresse Berthoud, c’est la réalisation d’un régulateur isochrone et il se demande si le spiral ne peut pas sinon réaliser, du moins aider â réaliser cet isochronisme.

Et d’abord, de quoi dépend l’isochronisme d’un organe oscillant ? Huygens a formulé la loi : les oscillations d’un oscillateur libre sont isochrones si la force de rappel est constamment proportionnelle à l’élongation.
Berthoud connaît cette loi et il s’efforce de réaliser ces conditions de l’oscillateur isochrone. Mais comment voir si dans un spiral donné, le moment élastique est constamment proportionnel à l’élongation? Il y a bien la loi de Hooke, mais un contrôle de cette loi serait bien nécessaire. Et Berthoud invente et construit sa balance élastique représentée par la figure 7.

Le spiral est accroché au levier B et au piton F, ce dernier est fixé sur le cadran divisé en degrés. Le levier B ainsi , que le plateau, H de la balance sont exactement équilibrés par le contrepoids G de sorte que si le spiral n’est pas tendu et le plateau pas chargé, l’aiguille` B est horizontale. En tournant le cadran, on déplace le piton, on arme le ‘spiral ; le levier B se déplace et pour le ramener dans la position horizontale indiquée par bc, il faut charger le plateau. Le poids doit être proportionnel à l’angle d’armage d’après la loi de Hooke.

Berthoud apprécie beaucoup sa balance élastique ; il a fait avec elle de nombreux essais et est arrivé à découvrir ce qu’il croit être les conditions du « spiral isochrone », c’est-à-dire du spiral assurant l’isochronisme des oscillations du balancier-spiral.
Ces conditions sont :

  • une longueur convenable de la lame du spiral
  • un nombre de spires adéquat – les spiraux plus serrés lui paraissent plus près de l’isochronisme
  • une forme de la lame – amincie à l’extrémité, intérieure – c’est le « spiral en fouet » ainsi nommé par Berthoud.

Voici quelques résultats d’essais faits sur un spiral dont l’auteur modifie le diamètre et le nombre de spires en changeant la longueur.
Ainsi, en modifiant uniquement la longueur, la proportionnalité entre la charge et l’élongation est modifiée. Berthoud essaie un spiral de 14 lignes de diamètre et faisant 5 tours : à 5° le spiral est en équilibre avec 12 grains et à 120° il faut 296 grains (au lieu de 288), donc un excédent de 8 grains.

Il plie le même spiral, plus serré : 8 tours pour un diamètre de 8,5 lignes et trouve : à 5° le spiral est en équilibre avec 13 grains et à 120° il en faut 312, ce qui est exact puisque 5 : 120 = 13 : 312.
– un grain = 0,053 gamme

En augmentant le nombre de spires sans changer la longueur, on modifie la proportionnalité entre l’élongation et la charge.
Les spiraux des horloges marines de Berthoud sont toujours passés à la balance élastique, puis modifiés jusqu’à ce que la proportionnalité soit réalisée.
Berthoud faisait ses spiraux lui-même.
La trempe des spiraux est une opération délicate qui a préoccupé, notre chronométrier ; il en est résulté de nombreux essais. Pour obtenir un spiral plat, il enroulait une lame d’acier non trempé autour de l’arbre d’une estrapade, il chauffait cette lame en place mais sans la faire changer de couleur et, après un refroidissement brusque, il avait un ressort en forme de spirale. Plus il chauffait, plus les spires étaient serrées. Le spiral n’était pas trempé ; sa forme était fixée mais pas assez pour que le spiral ne s’ouvre pas dès que le spiral était chauffé au-delà de la température du fixage. La trempe se faisait ensuite sur le spiral plié et placé dans une botte remplie de sable fin. On peut aussi, dit Berthoud, directement tremper le spiral dont la forme sera fixée par la même opération.
Nous allons exposer succinctement l’aménagement des premières horloges marines de Ferdinand Berthoud. Cet exposé montrera l’esprit de recherche du constructeur qui ne se contentait pas de n’importe quel résultat. Il a aussi indiqué les défauts de chaque horloge.

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