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Les montres marines

Force motrice : ressort avec fusée.
Durée de marche entre 2 remontages consécutifs : 24 heures.
Echappement à recul avec lequel Berthoud fait les essais tendant à établir l’influence du recul sur l’isochronisme.
Organe régulateur: 2 balanciers horizontaux et suspendus à des ressorts : ces balanciers doivent empêcher l’arrêt de l’horloge à la suite d’une secousse. Ce dispositif fut essayé puis bientôt abandonné par Huygens. Mais ici la fréquence du balancier est faible: la période est de 2 secondes.
Les balanciers sont lourds. Pour diminuer le frottement, Berthoud a suspendu les balanciers, a utilisé des coussinets en agate et a diminué l’amplitude qui n’est que de 20° environ.
Le spiral a les dimensions suivantes : longueur = 22 pouces = 594 mm ; largeur = 7 9/12 lignes = 17,4 mm épaisseur         91/2 lignes = 1,69 mm. La compensation se fait au moyen du châssis.

Horloge N° 1a

Réplique du N° 1, mais avec quelques modifications importantes.
Force motrice : au lieu du ressort, un poids ayant la forme d’un parallélépipède rectangle qui’ se meut librement mais avec très peu de jeu, dans un tuyau de même section ; sur les côtés se trouvent 2 crémaillères et 2 cliquets qui empêchent le poids de remonter si le vaisseau éprouve une secousse de haut en bas.
Régulateur : un balancier au lieu de deux poids : une livre. Même fréquence que dans le N° 1.

Horloge marine N°2

Force motrice : ressort avec remontoir d’égalité d’après Huygens. Berthoud n’en est pas satisfait. Echappement à recul: la roue d’échappement est munie de 30 goupilles perpendiculaires au plan de la roue qui agissent sur des leviers courbes : construction compliquée qui n’a pas donné de bons résultats.
Régulateur : de nouveau 2 balanciers mais moins lourds que dans l’horloge N° 1 ; chacun pèse environ 160 g; les pivots sont tenus entre des rouleaux.

Montre marine N° 3

Il ne s’agit plus d’une horloge marine mais d’une montre capable de supporter les mouvements d’un vaisseau et ceux d’une voiture.
Force motrice : ressort avec fusée ; durée de marche 36 heures.
Régulateur : balancier léger, poids environ 15 g, 14 400 A/h donc 4 alternances par seconde ; période 1/2 seconde.
Le frottement est diminué par l’emploi de galets disposés de façon que la montre puisse marcher dans toutes les positions. Quelques expériences ont fait remplacer le balancier par un plus lourd ; la compensation étant trop forte, le spiral a été remplacé par un plus long.

Horloge marine N° 4

Les horloges N° 2 et 3 ont été éprouvées à Brest en 1764; avant son départ, Berthoud a déposé à l’Académie des Sciences le projet de l’horloge N° 4.
Force motrice : ressort (le poids prend trop de place).
Compensation habituelle, donc à châssis.
Régulateur: balancier horizontal et suspendu de 15 g et diamètre 63 mm ; il exécute 14 400 A/h ; l’amplitude est grande. Le frottement est diminué en mettant à l’arbre du balancier de petits pivots supportés par des rouleaux; le poids du balancier est également réparti sur les 2 pivots.
Echappement: ancre à rateau.

Horloge marine N°5

Le plan de cette horloge a aussi été déposé en 1764 à l’Académie des Sciences. C’est une horloge à pendule; Berthoud revient à cette idée de Christiaan Huygens et utilise, comme ce dernier, un pendule très court à lentille assez lourde qui fait des oscillations de grande amplitude. D’où la nécessité d’utiliser un pendule cycloïdal avec la suspension à fil ou à lames très minces.
Au lieu du pendule cycloïdal, Berthoud croit qu’on pourrait utiliser le pendule ordinaire avec un ressort spiral adapté à « l’axe de mouvement » du pendule car le pendule a du retard aux grands arcs et le spiral au contraire : « J’ai trouvé que les arcs du balancier devenaient au contraire plus prompts parce que la force ascendante du spiral accroît dans un trop grand rapport et l’on peut varier à volonté cette progression de la force du spiral en le rendant plus long ou plus court.»

Horloge marine N° 6

Il s’agit ici d’une horloge faite avec les plus grands soins ; elle avait été commandée par le Roi et devait être éprouvée en mer. On peut penser que Berthoud a profité de toutes les expériences faites avec les autres horloges ; il observe la marche de l’horloge à différentes températures pour établir la table des corrections. La compensation n’est pas parfaite : de 5° R à 32° R, le coefficient thermique est 0,8 s pour 1° R ; l’erreur secondaire = 4,3 s. Le spiral est essayé à la balance élastique.
Berthoud abandonne le pendule et revient au balancier faisant 14 400 A/h; ce balancier est placé entre 6 rouleaux.
L’échappement est à cylindre (fig. 8).
Cette horloge a subi en mer une très longue épreuve dont nous reparlerons. Après le retour du vaisseau l’«Isis », Berthoud examine l’horloge qui n’avait pas donné les résultats qu’il espérait. Il constate que l’horloge est restée propre, sans rouille ni saleté ; le spiral s’était un peu ouvert par la chaleur, il était insuffisamment fixé ; l’amplitude qui, au départ, était de 130°, avait diminué de 15°. Enfin, l’essai montre que le spiral n’est plus tout à fait isochrone. La cheville de renversement du balancier est à 3° de son repère (à cause du spiral qui s’est ouvert); l’ayant remise en bonne place la marche de la montre fut – 7 s tandis qu’à la fin du voyage elle était de – 25 s.
Que faire pour améliorer la marche ? Celle-ci avait été assez régulière du 14 novembre 1768 au 10 juin 1769, mais à partir de cette date, le retard s’est accentué pour atteindre 25 s au début de novembre 1769.
Il faut encore diminuer les pivots du balancier, tremper le spiral au pliage afin de le fixer complètement, augmenter le diamètre du balancier, améliorer le fonctionnement du rateau de compensation. Ces corrections furent faites avant le départ pour un nouveau voyage aux Indes.

Horloge marine. N° 7

Celle-ci est à peu près identique à l’horloge N° 6. L’échappement est à repos ; la roue d’échappement est plate et sans colonne ; elle agit sur un cylindre portant des palettes en rubis et qui n’est pas sur l’arbre du balancier. Celui-ci porte ‘ un pignon qui engrène avec un rateau fixé sur l’arbre du cylindre.

Horloge marine N° 8

De toutes les horloges décrites dans le Traité des horloges marines, celle-ci est la plus remarquable. Elle fut commandée par le Roi et fut éprouvée sur l’ « Isis » avec l’horloge N° 6. Elle  a donné d’excellents résultats de marche. Ferdinand Berthoud revient aux oscillations lentes dans le but de diminuer le frottement ; par contre il augmente la grandeur du balancier et l’amplitude de ses oscillations. Ce balancier, pour la première fois, est muni de masses déplaçables pour modifier le moment d’inertie. L’échappement est le même, que celui des 2 horloges précédentes. Après le retour de l’« Isis », l’horloge subit une révision minutieuse.
L’amplitude du balancier, qui était de 240° au départ, n’était plus que de 210° à l’arrivée. Le balancier était cependant encore bien libre puisque seul et avant le nettoyage il a oscillé 1 heure, l’amplitude initiale étant sans doute 280°.
Berthoud observe que « ayant ôté le mouvement, de dedans son tambour, je n’y ai vu la moindre marque de rouille, ni tache quelconque, le poli du cuivre n’ayant pas changé de couleur ; il n’y avait pas la moindre saleté ni poussière attachée ni aux rouleaux ni à l’axe ; en un mot la machine est aussi propre que lorsque je la remontai avant son départ. »
Un des points faibles de ces horloges est la lubrification. Au sujet du contrôle de l’horloge N° 8, après le voyage de I’ « Isis » Berthoud dit: « Ayant mis de l’huile à l’échappement sans ôter l’ancienne qui restait et était coagulée…. » On ne s’en étonnera pas ; les horlogers de cette époque n’avaient pas beaucoup de choix pour les huiles et considéraient souvent l’huile d’olive pure comme la meilleure pour la lubrification des montres et des horloges. De là, la préoccupation constante de Ferdinand Berthoud de trouver un échappement fonctionnant sans huile.

Horloges N° 9 et 10

Horloge semblable à celle qui porte le N° 8. Quelques modifications : le balancier est plus grand et plus lourd, les rouleaux sont plus grands et les pivots plus petits : le mécanisme de compensation plus grand et plus sensible. La modification la plus, importante est celle de l’échappement qui est, ici pour la première fois, libre, à détente pivotée.
Pourtant Berthoud n’a pas été satisfait ; il trouve l’horloge N° 9 trop grande et trop lourde, ce qui lui fait entreprendre la construction de l’horloge N° 10.

Horloge marine N°11

Ces horloges compliquées, encombrantes, coûteuses, sont-elles bien nécessaires pour tous les vaisseaux ? se demande Ferdinand Berthoud. La plupart des navires n’entreprennent jamais de voyages en haute mer ; ils ne s’éloignent pas beaucoup des côtes et pourtant ces marins doivent aussi pouvoir connaître leur position. Berthoud construit alors cette horloge N° 11, plus simple mais moins précise que celles qui sont indispensables soit pour la navigation au long cours soit pour l’élaboration ou la vérification des cartes marines.
C’est une horloge à balancier horizontal suspendu à un ressort : ce balancier fait 14 400 A/h, a le même poids que ceux des horloges N° 6 et 7 mais avec des pivots plus petits ; l’amplitude est grande, le spiral est isochrone et l’échappement est libre. La force motrice est un ressort avec fusée mais ce ressort est très fort de sorte qu’on n’utilise qu’un ou deux tours de développement : ainsi le ressort n’a pas besoin d’être complètement armé et les spires ne se touchent pas. Un tel ressort doit être très long ; il prend beaucoup de place, mais dans une horloge marine l’encombrement ne joue aucun rôle.
Berthoud en arrive à abandonner son système compliqué de compensation et il adopte le dispositif de Harrison. A propos de la bilame, il remarque : « … j’ignore encore si deux lames, l’une d’acier, l’autre de cuivre, ainsi rivées l’une sur l’autre, se trouvant par là dans un état forcé, par leurs différentes dilatations, conservent constamment leur état ; je me propose d’en faire des expériences suivies. »

Les épreuves en mer

Lorsque Berthoud construisait ses horloges marines, il n’y avait pas, comme aujourd’hui, des observatoires outillés pour la vérification de la marche des horloges et des montres. Cependant, les amirautés ne voulaient pas acheter ces horloges coûteuses sans être sûres de leurs qualités. D’autant plus que la détermination des longitudes par le moyen des horloges était loin d’être acceptée par tous les marins dont beaucoup ne pensaient pas que les horloges puissent les renseigner mieux que l’estime de pilotes expérimentés. Aussi, lorsque le Roi fit l’acquisition des horloges N° 6 et N° 8, spécifia-t-il que ces horloges devaient être éprouvées en mer.
L’horloge N° 3; avait déjà subi, en 1764, l’épreuve sur une corvette. Après 17 jours de voyage, elle avait une erreur de 54 secondes. Berthoud la retira pour la perfectionner, puis en 1768 elle fit des voyages de 75 et 37 jours à Saint-Domingue et à Vera-Cruz, où elle se comporta mieux, ce qui permit de découvrir et de corriger une grosse erreur dans les cartes.

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