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29 SEPTEMBRE 2009

Lu au hasard de quelques pérégrinations de lecture les craintes et projections du futur d’une horlogerie suisse malmenée par la crise avec en toile de fond le spectre des années septante et de la menace horlogère asiatique.

Aujourd’hui, ce type d’arguments ressort périodiquement, attisé qu’il est par la déliquescence des exportations horlogères helvétiques, les licenciements, les fermetures avérées ou en devenir de sociétés. Et par la tendance parfois hypocondriaque qui caractérise cette industrie.

La différence, contrairement aux décennies passées, ne situe plus aujourd’hui vraiment le danger sur le produit de masse comme ce fut le cas voici près de quarante ans avec l’épouvantail japonais. Non, le danger est parfois plutôt perçu aujourd’hui sur le segment de l’horlogerie à forte valeur ajoutée, sur ces montres alignant génie créatif micromécanique et générant un choc émotionnel impalpable, et qui sont autant de chefs d’œuvre artistiques.

On ressort du chapeau non plus l’Empire du Soleil Levant, mais bien celui du Milieu, dont l’expérience industrielle dans la fabrication de montres n’est d’ailleurs plus à démontrer. Jusqu’à la maîtrise des complications les plus fines et prestigieuses tel le tourbillon, notamment. L’Asie toujours, mais avec un déplacement du péril qui témoigne bien de l’évolution de l’industrie et du marché depuis quatre décennies.

Divers enseignements peuvent être tirés, avec le recul, de cette mutation.

Pour rappel et dans les grandes lignes, le premier d’entre eux : l’industrie horlogère suisse a surmonté la crise des années 70 et jugulé la menace nipponne en verrouillant le marché de masse. En cela, la Swatch a évidemment joué le rôle central dans ce processus, en association avec l’image suisse d’un produit novateur offert à un prix défiant toute concurrence. La dynamique s’est amplifiée et renforcée par la suite avec de nombreuses marques.

Aujourd’hui, le centre de gravité s’est déplacé sur le registre de la création horlogère ultime, au sommet de la pyramide. L’industrie horlogère chinoise va-t-elle niveler à coups de tourbillons (et autres) ses équivalentes à croix-blanche, proposant des pièces dotées par exemple de ce type de mécanisme pour une fraction du prix ?

Poser la question revient à y répondre. Le verrouillage de ce segment a été lui aussi opéré au-travers d’une poignée de marques suisses au cours des dernières années.

Tout comme le compétiteur japonais produit d’impressionnants volumes, d‘une indiscutable qualité et flirtant parfois avec les segments supérieurs de la gamme comme le modèle Credor Spring Drive Sonnerie de Seiko, l’éventuel concurrent chinois se heurte(ra) lui aussi notamment à un écueil insurmontable : celui de l’origine de la montre, avec toutes les valeurs immatérielles qualitatives qu’elle véhicule.

A produits comparables, la « suissitude » demeurera pour l’industrie horlogère helvétique un infranchissable rempart pour les industries horlogères tierces, dans ses aspects historiques de tradition et de savoir-faire, plus puissants que jamais.

Quant au fossé culturel, peu souvent mentionné, il reflète dans les industries horlogères asiatiques la prédominance d’une culture de masse qui n’a pas réussi à magnifier, dans l’approche marketing, ses produits les plus élevés en gamme, jusqu’aux plus compliqués et qui pourraient potentiellement devenir de redoutables compétiteurs pour les marques suisses.

La note est au final optimiste, les arguments du péril horloger chinois relèvent d’un comportement hypocondriaque plutôt que du réalisme. Optimisme renforcé par le fait que quelques indicateurs semblent démontrer l’enrayement de l’hémorragie. Nul doute que l’horlogerie suisse d’après le redémarrage ne sera plus tout à fait la même : quelques illusionnistes auront disparu ou végèteront dans une arrière-cour, de nouveaux acteurs très créatifs auront confirmé l’émergence de tendances nouvelles et aiguillonneront les marques établies, qui seront toujours au rendez-vous. Et les clients, quels qu’ils soient, continueront encore longtemps à se passionner pour cet objet qu’est la montre suisse, de la plus simple à la plus sophistiquée, tout comme nous le sommes tous.

Cet intérêt m’amène d’ailleurs aujourd’hui à me lancer dans une nouvelle aventure horlogère et à signer par conséquent ici un dernier billet. Mais croyez bien que je continuerai à me connecter à cette excellente source qu’est Horlogerie-Suisse.com afin de prendre le pouls de votre passion !

Par Pascal Brandt